Cercle Thieulâm

Écoles d’arts martiaux chinois traditionnels
法國少林聯合會

1000 ans de domination du bâton
Volet 3 (630 – 1553)

Partie 2 : le déclin

Nous nous sommes quitté sur un monastère de Shaolin riche, possédant une armée de moines-guerriers.
Il est important de comprendre que jusqu’à la dynastie des Ming environ (XIV° siècle), les arts martiaux (du dieu de la guerre Mars) servaient à faire la guerre. C’étaient des techniques de soldats pour les soldats. Il n’y avait presque pas de techniques pour qu’un homme seul puisse se défendre face à des adversaires. On y trouvait surtout tout ce qui peut préparer une armée à remporter une victoire : stratégie, manoeuvres de groupes d’hommes en armes… 

Comme dans toutes les armées du monde, l’essentiel de l’enseignement concernait les techniques d’armes : lance, hallebarde, arc, épée, sabre… Les techniques à mains nues n’étaient quasiment pas travaillées et leur valeur, contestée. Cette évolution d’art militaire à art individuel de combat va prendre du temps et ne put mûrir à Shaolin que parce que le temple possèdait sa propre armée, donc travaillait des techniques militaires. En effet, seuls les militaires avaient le droit de pratiquer les arts martiaux, et les techniques ne se développaient qu’au sein des armées. On comprend alors l’importance pour le temple, de l’autorisation de posséder une armée qu’accorda l’empereur Taizong. A partir de ce droit de pratiquer l’art martial, Shaolin va pouvoir petit à petit développer un certain nombre de techniques. L’originalité de l’art du temple était que l’arme utilisée était le Bâton. En effet, le bâton dans des mains expertes, n’est pas aussi dangereux que le sabre ou la lance. Les moines soumis à la règle “ne pas tuer”, ont recherché des techniques pour désarmer, mettre hors de combat les adversaires en leur causant le moins de dégats possible. Il valait mieux assommer quelqu’un que lui couper une jambe, un bras ou la tête. 

 

La richesse de Shaolin fut d’ouvrir la porte à une cohabitation étrange pour l’époque, celle de l’esprit martial (la guerre) avec l’esprit bouddhique (ne pas tuer). 

Le lien avec l’armée, a cantonné l’art martial à évoluer dans le domaine des armes. Cependant, 1000 ans de recherches pour apprendre à contrôler, à ne pas tuer, à soigner, ont mis au point des techniques de médecine et de Qi Gong qui ouvrirent la voix aux techniques de mains.

VII° siècle – Les moines possèdent un domaine important, ont du pouvoir… Toute apogée est suivie de son déclin. Les moines peu habitués à l’exercice du pouvoir, se déchirent et le temple est abandonné en 690. Deux ans plus tard, le temple vide, est partiellement détruit à nouveau, mais rapidement, une petite communauté s’y réinstalle et Shaolin va retrouver la prospérité. La reconnaissance du monastère par Taizong amène de nombreux généraux à venir apprendre l’art du bâton de Shaolin. A l’inverse, ces militaires apportèrent leurs connaissances du bâton, mais aussi du sabre, de la lance, des armes militaires classiques… Ce travail plus complet des armes, s’intégra petit à petit à l’art de Shaolin, qui entretint ces traditions martiales au cours des siècles. Ainsi au XVI° siècle, le temple avait incorporé la pratique de près de 120 armes chinoises. 

844 – La dynastie Tang s’affaiblit, et l’empereur à court d’argent, se tourne vers les riches monastères. Le monastère de Shaolin ne veux plus être le “bouche-trou” du trône, que ce soit en argent ou en soldats, mais l’empire ne l’entend pas de cette oreille, et ce conflit “diplomatique” est réglé par l’armée impériale qui envahit le monastère, en détruit une partie, avant d’emporter l’essentiel des richesses du temple. L’année suivante, l’empereur, toujours à la recherche de fonds, ennuyé par la puissance des temples bouddhistes, déclare proscrites les religions d’origines étrangères à la Chine. Les richesses et les grands domaines religieux sont confisqués. Cette proscription est très importante, car elle va être fatale au bouddhisme en Chine. Plus jamais, le bouddhisme ne redeviendra une religion majeure comme il l’avait été pendant 400 ans. Le nombre d’adeptes ne va cesser de diminuer (les bouddhistes constituaient 1% des pratiquants en Chine, au début du siècle). Les différentes églises bouddhistes vont disparaître rapidement. Seul le Bouddhisme Ch’an, celui de Boddhidharma et enseigné entre autres à Shaolin, perdurera à travers les siècles. De nombreux moines quittent le pays et vont s’installer partout en Asie. Les adeptes du Ch’an, iront au Japon ou leur secte est appelée Zen. 

En 955, la secte Ch’an survivante, se voit interdire tout accroissement, par un édit impérial. Face à cette interdiction, le temple est abandonné une nouvelle fois, la religion s’enfonce dans l’oubli pour les chinois, et dans la clandestinité pour les pratiquants. Mais la toute-puissance du Bouddhisme cassée, très vite l’empire se tourne vers d’autres problèmes sans trop se préoccuper des Ch’an. Aussi, en 975, une poignée de moines réinvestit le temple pour lui donner vie à nouveau. Pendant 500 ans, le monastère va vivre petitement, dans l’ombre de l’histoire, en entretenant l’acquis du bâton en une milice d’intervention occasionnelle, pour aider les villageois des alentours. Mais au fil du temps, l’art martial de Shaolin perdit de sa valeur. Les techniques étaient très riches, car elles incorporaient toutes celles que l’histoire avait mises au point, mais le dynamisme n’y était plus, il n’y avait plus de pratiquants de valeur pour en faire un art efficace. Shaolin évolua en vase clos.

1553 marque la fin de l’ère du bâton, avec plusieurs faits relatés dans les écrits. Wang Shixing dans son “Voyage à la montagne Song” écrit que les moines armés de bâtons intervinrent sous le règne de l’empereur Jiajing, contre les envahisseurs japonais, et qu’avec leurs seuls bâtons, ils firent des exploits. Il semblerait cependant que ce soit les moines du monastère de Shaolin du Fukkien, près de la mer (existant depuis 800 ans au moment des faits), et non ceux du monastère du Hénan, qui s’illustrèrent dans cette bataille. Sous les Ming, Cheng Chongdou écrit dans son ouvrage “Le dossier des combats au bâton de Shaolin” que les moines sont connus pour leur art du bâton.

Mais malgré cela, la grande période des armes et du bâton va s’éteindre à Shaolin, avec la découverte d’une arme encore plus puissante et plus performante dans le cadre de la philosophie bouddhiste: La main ouverte. Le Kung-Fu de Shaolin allait naître…